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Newport, l’historique vitrine de Rhode Island

Par Florent Mechain / Publié le 20.09.2018

Nichée dans le nord-est des États-Unis, au bord de l’Atlantique, cette petite station balnéaire huppée fait la fierté de l’État de Rhode Island. De par son décor privilégié et son riche passé, Newport surprend, Newport captive, Newport émerveille. Balade entre histoire(s) fascinante(s) et douce réalité.

Newport (Photo: Michael Privorotsky /Flickr)

Le nom de Newport résonne dans ma tête depuis ma plus tendre enfance. J’entends encore les exploits épiques des marins de l’America’s Cup s’écharpant héroïquement dans sa baie. Celle-ci, en réalité, se prénomme baie de Narragansett et baigne les côtes de cette perle de station balnéaire. La mythique régate a quitté les lieux en 1983, mais l’atmosphère “yacht-club” flotte toujours dans les parages.

En témoigne ma petite excursion inopinée sur un sublime deux-mâts. Invité par mon hôtesse, je prends place à bâbord, plutôt en proue, parmi des locaux enthousiastes. Les mercredis des beaux jours, la communauté se rassemble, deux heures de croisière durant, pour bavarder joyeusement, partager les dernières actualités et, surtout, profiter du paysage. Je fais de même avec entrain tant le cadre laisse béat. De la surface outremer se distingue le littoral habilement découpé, magnifié par l’impérial soleil du jour. Une délicate brise tempère celui-ci, balayant nos chevelures et les flots au passage. En l’île d’Aquidneck, sur laquelle Newport est établi, les silhouettes des édifices peu élevés laissent belle liberté au regard. De la même façon, vers le sud, l’horizon atlantique ne souffre aucune entrave et dévoile la mystérieuse immensité de l’océan impétueux. Je m’attendrais presque à voir voguer le Mayflower devant nous. Car nous sommes bel et bien en région Nouvelle-Angleterre, et les Pères pèlerins accostèrent non loin d’ici.

 

Des terrasses sur les docks, pour contempler la baie

À mon tour de débarquer. Pour rester dans l’ambiance, direction les docks. Une enfilade de quais jalonnent la partie occidentale de Newport centre. C’est l’une des principales zones de promenade de la ville. Les pontons tout de bois vêtus foisonnent de bâtisses colorées, de magasins, de galeries, de bars, de restaurants. On se délasse sur une chaise longue tout en scrutant le va-et-vient dans le port de plaisance. On se régale de la gastronomie autochtone, qu’il s’agisse de poisson, de homard, d’huîtres, de clams… Sur Bowen’s Wharf, l’agitation est constante, en saison. Les terrasses, si tentantes, ne désemplissent guère, mais on peut simplement y flâner et marquer une pause un peu à l’écart.

Dans l’un des établissements de Thames Street sud, par exemple, avec ses marinas plus paisibles. La vue n’en est pas moins attrayante, et les spécialités sont toujours au menu. Testez donc un clam chowder (soupe/ragoût de palourdes) en contemplant le coucher de soleil sur la baie : joli souvenir garanti. Ou encore du côté de Washington Square, cœur historique de Newport, affublé de pubs et de bars animés prisés des résidents. Aujourd’hui, il se trouve d’ailleurs que l’animation est plus que concrète : une compétition va débuter dans quelques jours, et autant dire que les marins ont décidé d’investir gaiement les lieux… Tout sauf un hasard, donc, dans l’autoproclamée “capitale de la voile”.

Cette influence nautique est cependant loin d’être la seule à envelopper la cité de son aura d’antan. Newport est une ville ancienne, théâtre de moult chroniques. Fondée en 1639, elle fut une place forte de la guerre d’Indépendance, notamment, et d’importance capitale dans bien d’autres actions militaires et stratégiques. Le Fort Adams subsiste comme le reliquat le plus représentatif de ces périodes querelleuses. Il fut même, à l’époque, le fort le plus complexe d’Occident. La construction “rendit les armes” après la Seconde guerre mondiale et, léguée à Rhode Island, devint la pierre angulaire du parc d’État éponyme créé en 1965. Désormais, les visiteurs viennent en paix, explorer l’endroit (de mi-mai à octobre), se marier, participer à un meeting… Mais aussi assister à deux événements majeurs du calendrier, les festivals de folk (fin juillet) et de jazz (début août). Ces raouts musicaux, à la programmation reconnue et acclamée, exaltent le renom culturel de Newport depuis l’orée des années quatre-vingt.

 

La quintessence du glamour et du pouvoir, de JFK aux Vanderbilt

Force est de constater que le site avait déjà contribué à la notoriété de la ville. La Maison-Blanche prenait ainsi ses quartiers d’été à Fort Adams, sous les présidences d’Eisenhower et de Kennedy. JFK y a également célébré son union avec Jacqueline Bouvier (plus exactement à l’attenante Hammersmith Farm, maison d’enfance de la mariée). De quoi parer la cité d’une résonance glamour dans l’imaginaire collectif.

Les riches et puissantes familles ont pareillement imprimé sa réputation de leur sceau. Pour les nantis, y posséder demeure était incontournable lors du “Gilded Age”, l’Âge d’or, apogée des grandes dynasties (fin du XIXe siècle). Les Duke, les Astor, les Vanderbilt, pour ne citer que les plus illustres, n’ont pas dérogé à la règle. En résulte une ribambelle de somptueuses résidences, appelées les Mansions. Elles sont, pour beaucoup, la motivation essentielle d’un séjour à Newport, tant elles éblouissent de par leur achitecture remarquable et leur diversité. Il y a, au final, peu de chance d’être déçu. Et je ne l’ai pas été. Au gré de la sereine Bellevue Avenue et des artères avoisinantes, je tombe en extase, si ce n’est en pâmoison, devant l’opulence de ces hôtels particuliers, manoirs, châteaux presque. Je me plais toutefois à noter que nombre de ces édifices empruntèrent au goût et au savoir-faire français : The Elms est une réplique du château d’Asnières-sur-Seine, Marble House du Petit Trianon de Versailles, Rosecliff du Grand. Pelouses et jardins impressionnent dès l’entrée sur les propriétés, et les jardins ne gâtent rien. Quant aux intérieurs décorés et garnis avec faste, ils jettent une poudre de luxe aux yeux, me plongeant cette fois dans l’atmosphère “country-club” huppée.

 

Sur le sentier des douaniers en compagnie de l’océan roi

La liste des logis cossus se poursuit sur Ocean Avenue, mais je choisis de bifurquer vers la mer. Se présente alors devant moi une autre fameuse curiosité de Newport, le Cliff Walk. Sur plus de cinq kilomètres, cette balade longe la côte, gratifiant d’un panorama avec d’une part l’océan, de l’autre davantage de maisons chics. Le chemin serpente au fil du littoral et immerge dans un environnement quiet et sauvage. Je m’évoque un étonnant mixte entre les sentiers anglo-normands et méditerranéens… J’arpente le promenoir à pas comptés, ne pouvant que succomber aux occasions de me prosterner devant la grâce fougueuse de l’Atlantique. Cette irrépressible envie me viendrait-elle du surnom de Rhode Island, The Ocean State ? Celui-ci a beau être le plus petit des États-Unis (2 707 km2, soit un tiers du département de la Marne !), il n’empêche : l’omniprésence de l’envoûtant océan lui confère une dimension incomparable. Et Newport, son historique joyau, une vitrine ensorcelante.

Le Cliff Walk rejoint les abords d’une plage, la First Beach, ou Easton’s Beach, coquettement courbée tel un alléchant croissant doré. Un parfait écrin pour une nouvelle histoire.