Allemagne

Dortmund: l’Allemagne entre traditions et modernité

Par Paul Morinaud / Publié le 04.06.2024

Alors que son centre-ville, ceint d’une rocade qui a remplacé les murailles médiévales, semble être un cocon, les arrondissements de Dortmund jouent les cartes nature et innovation. Sans occulter son riche et captivant passé industriel.

©Gentlemen Travellers

 

Avez-vous ne serait-ce qu’une petite idée de l’endroit où se trouve Dortmund? En Allemagne? Oui, certes, et la sonorité a probablement dû vous aider. Mais encore? Pas d’autre piste? Ne vous inquiétez pas, excepté à quelques rares initiés, sa localisation reste finalement assez méconnue. Dortmund est une ville relativement petite dans un Land (un État allemand) qui l’est beaucoup moins: la Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Celui-ci, à l’est des Pays-Bas et de la Belgique, abrite un quart de la population germanique et constitue la région la plus puissante économiquement parlant. Ce n’est pas rien! Des voisines qui pourraient vous dire quelque chose: Cologne, Düsseldorf, Essen, Duisbourg, Münster, Aix-la-Chapelle, Bonn…

J’ai donc osé évoquer ci-avant une “petite ville” en ce qui concerne notre chère Dortmund. Ne vous méprenez pas, sous mon clavier, il s’agissait d’un réel compliment mais je vous dois de plus amples précisions car la cité est tout de même la troisième du Land avec environ 600000 habitants. Oui mais voilà, le centre, lui, est très… coquet dirai-je. Rendez-vous compte: l’artère majeure, Westen-/Ostenhellweg (on y reviendra plus tard, elle est incontournable), mesure à peine plus de 1 kilomètre. Pour résumer, on parcourt la “City” d’ouest en est (ou vice versa bien entendu) en une douzaine de minutes.


De la bière aux jeux vidéo: grand écart culturel!

Cela étant dit, la grande agglomération dortmundoise en impose. Sans rentrer dans le détail d’un découpage administratif complexe, elle rassemble douze arrondissements. Chacun abrite des quartiers, dans lesquels nous ferons parfois incursion au cours de cette balade. Mais avant de rentrer dans le cœur du sujet, il faut prendre connaissance de quelques bribes historiques de la ville pour mieux la comprendre aujourd’hui. Trémoigne (en français de l’époque médiévale) est “née” à la fin du IXe siècle. Elle prospère au Moyen Âge (XIIIe, XIVe siècles) grâce à sa production de bière, passe de main en main –la riche cité commerçante attise les convoitises– puis intègre le royaume de Prusse début XIXe. C’est alors que s’initie l’industrialisation de la région: on est en plein bassin de la Ruhr (plus exactement sa partie orientale), épicentre réputé des activités minière et sidérurgique. En parallèle, Dortmund continue à brasser, brasser et encore brasser… Sans trop de surprise étant donné son vivier de ressources, elle est une cible privilégiée des bombardements alliés durant la Seconde Guerre mondiale. Patatras! Le centre-ville est presque entièrement rasé. Puis les industries séculaires s’essoufflent jusqu’à épuisement…

Aujourd’hui, le virage numérico-technologique a été pris, positionnant la cité comme avant-gardiste et innovante. Mais tout en étant résolument tournée vers la modernité, Dortmund entretient ses “attractions historiques” avec dynamisme. Résultat: un creuset de curiosités touristiques aussi nombreuses qu’éclectiques.

Les musées vous intéressent? Aucun problème, il y a de quoi faire. Citons en premier lieu le Dortmunder U, emblème visible de quasiment toute la ville avec sa tour surmontée d’un énorme “U”. Cette ancienne brasserie héberge un centre pluristructurel et multidisciplinaire d’art et de créativité. Sa spécialité? L’art moderne et contemporain, mis en exergue au musée Ostwall. Après la découverte du bâtiment et des expos, faites un tour à la terrasse pour le panorama… Quant à la bière, intimement liée à la commune depuis des siècles, elle a son Brauerei Museum, un peu au nord du centre. Dernier exemple (impossible de dresser une liste exhaustive): le Binarium, musée de la culture digitale (notamment des jeux vidéo!), au nord-ouest de la City.

 

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Shopping discount entre les trois églises historiques

Ouvrons donc la page pour les férus d’architecture. Les considérables dégâts occasionnés lors de la WW2 ont engendré une vaste reconstruction style années 1950 dans le centre-ville. Le melting-pot est très réussi, en particulier aux abords de la Friedensplatz. L’Altes Stadthaus, avec sa façade néo-Renaissance rouge brique et crème surplombant la halle Berswordt tout de verre vêtue, scrute le nouvel hôtel de ville (fin des années 1980), de l’autre côté du square, très carré mais avec des teintes assez assorties. Derrière celui-ci, par-delà le Stadtgarten, la carapace écaillée de l’opéra, Opernhaus, domine le parvis du quartier des théâtres (qui, au même titre que la musique, fait partie d’une longue tradition dortmundoise). Un peu plus haut, on débarque sur la grande Hansaplatz (site du fameux marché de Noël), qui jouxte l’Alter Markt, centre névralgique et historique de Dortmund. À quelques pas, on atteint l’une des trois églises majeures, la romano-gothique Marienkirche. Juste en face se dresse la Reinoldikirche, alias “la Merveille de Westphalie”, 104 mètres de haut, avec sa jolie tour vert-de-gris. À 500 mètres à l’ouest, on trouve la Petrikirche et, cette fois, c’est à l’intérieur que ça se passe: on y voit (très peu de chance qu’il soit “ouvert”, renseignez-vous au préalable sur les dates exactes) un ahurissant autel sculpté, “le Miracle doré de Dortmund”.

Le point commun entre ces trois églises, à part leur beauté? Elles bordent toutes la Westenhellweg (Ostenhellweg dans sa partie orientale). Ce tronçon de l’ancienne route du commerce du sel est la principale rue du centre-ville. Semi-piétonne, elle permet de se repérer facilement entre les différents points d’intérêt… et de faire du shopping tranquillement! Oui, Dortmund jouit d’une belle réputation pour cela aussi (les prix sont particulièrement intéressants). Direction donc la Westenhellweg ou la Thier-Galerie dans la City; sinon le Kreuzviertel, avec ses petits magasins branchés.

Kreuzviertel est un “sous-quartier” du quartier Westfalenhalle, qui englobe le Signal Iduna Park, le stade du BVB O9. Car le chapitre football est indissociable d’une découverte de Dortmund. L’ex-Westfalenstadion, plus grand d’Allemagne (81359 places), mythique pour tout amateur de ballon rond qui se respecte, n’est pas réservé aux plus fervents: l’expérience d’un match là-bas laisse un souvenir indélébile, croyez-moi… Si vous le pouvez, trouvez un siège face au fameux “Mur jaune” (la tribune des supporteurs locaux les plus actifs), vous ne le regretterez pas. Et si vos dates de séjour ne coïncident pas avec celle d’une rencontre, vous pourrez vous consoler au moderne et interactif Musée du football allemand, qui retrace l’histoire passionnelle entre le pays et ce sport.

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Une soirée dans une ex-cokerie ou une sieste près du lac?

Autre histoire, autre univers, mais identique connexion, celle de la ville avec son industrie. Mon site favori est celui de la cokerie Hansa (usine où l’on transforme du charbon). Elle est fermée depuis vingt ans mais s’est ranimée de nos jours sous la forme d’un musée. La visite, libre ou guidée (45 minutes), est insolite et poignante; on se sent tout petit face à ces énormes machines et structures, formidables témoignages d’un savoir-faire qui a bâti la grandeur de la région. Guettez aussi les événements qui s’y tiennent parfois, ça ne peut être qu’encore plus singulier… À noter que la cokerie Hansa sera partie intégrante du projet IGA 2027, soit le Salon international des jardins, qui aura lieu dans la Ruhr. La végétalisation de l’endroit est donc en plein boom.

Mais Dortmund et ses environs n’auront pas attendu ce salon pour développer leur côté “green”. Il faut savoir que la ville est très verte: la moitié de sa superficie est constituée de bois, d’espaces verts, de voies navigables (c’est le plus grand port sur canal d’Europe)… Loin de l’image industrielle qu’on peut en avoir. Pour profiter pleinement de cet aspect nature, l’une de mes haltes préférées est le bucolique Rombergpark, au sud (arrondissement Hombruch). C’est un immense jardin botanique (65 hectares), parmi les plus larges de la planète. Lac, serres, arboretums, allées ombragées, terrasses, bancs isolés, pelouses à l’anglaise… en un mot: waouh! Un peu plus haut (Innenstadt-Ost) mais pas très loin, le Westfalenpark, avec ses 70 hectares, force lui aussi à prendre le temps de se détendre. On y admire notamment une roseraie avec 2600 sortes de roses. Aires de jeux, fêtes et animations, marchés… et la fameuse tour Florian (209 mètres) en haut de laquelle on jouit d’une vue vertigineuse (vérifiez les périodes d’ouverture). Enfin, dans un style un peu différent, le lac Phoenix (Hörde) est pareillement idéal pour les familles avec sa base nautique et sa promenade (de plus en plus) aménagée. Autre motif de visite au plan d’eau (artificiel) à mettre en avant: la multitude de restaurants.

Car le tableau ne serait pas complet sans évoquer le volet gastronomie. En pagaille dans les spécialités régionales à tester, le Pumpernickel (pain de seigle très sombre), les Salzkuchen (petits pains ronds semblables à des bagels, parsemés de graines de cumin et garnis de porc haché et d’oignons), le Sauerbraten (du bœuf braisé avec une sauce aigre-douce) ou encore le Pfefferpotthast (un ragoût de bœuf aux oignons accompagné de pickles de cornichons, de betterave et de pommes de terre). Et encore, on ne parle pas de l’amour pour la bière, la viande, le jambon, les saucisses (vive la Currywurst nationale!)…

Oui, Dortmund a tout ce qu’il faut, pour tous les goûts. Et vous ne savez peut-être pas davantage où situer la ville sur une carte, mais vous savez dorénavant qu’il faut l’inscrire à votre menu.